La vérité serait donc le fait de ne pas oublier les Idées que nos âmes ont contemplées avant de s’incarner.
2 Positions scientifiques :
Les lois (divines) sont présentées dans le monde et il s’agit pour le scientifique de les découvrir et de les dévoiler.
Le scientifique invente les lois, les théories dans le but de tenter d’expliquer et de prévoir es phénomènes.
Emmanuel KANT, Critique de la raison pure, II, XVIIIe siècle (p. 524.)
Pour qu’une pensée soit vraie, c’est-à-dire conforme à l’objet dont elle ou nie ceci ou cela (c’est une pomme, ce n’est pas une poire), il faut d’abord qu’elle soit en accord avec elle-même. La logique définit en effet les règles qui s’imposent à toute pensée vraie. Une pensée qui se contredit ne peut à l’évidence prétendre à quelque vérité que ce soit. Mais cette forme logique de la pensée suffit-elle à garantir son accord avec un contenu donné ?
L'ancienne et célèbre question par laquelle on prétendait pousser à bout les logiciens
[...] est celle-ci : Qu'est-ce que la vérité? [...] Mais pour ce qui regarde la connaissance,
quant à sa forme simplement (abstraction faite de tout contenu), il est […] clair
qu'une logique, en tant qu'elle traite des règles générales et nécessaires de l'enten-
5 dement, doit exposer, dans ces règles mêmes, les critères de la vérité. Car ce qui les
contredit est faux, puisque l'entendement s'y met en contradiction avec les règles
générales de sa pensée et, par suite, avec lui-même. Mais ces critères ne concernent
que la forme de la vérité, c'est-à-dire de la pensée en général et, s'ils sont, à ce titre,
très justes, ils sont pourtant insuffisants. Car une connaissance peut fort bien être
10 complètement conforme à la forme logique, c'est-à-dire ne pas se contredire elle-
même, et cependant être en contradiction avec l'objet. Donc le critère simplement
logique de la vérité, c'est-à-dire l'accord d'une connaissance avec les lois générales
et formelles de l'entendement et de la raison est, il est vrai, la condition sine qua non et, par suite, la condition négative de toute vérité; mais la logique ne peut pas
15 aller plus loin ; aucune pierre de touche ne lui permet de découvrir l'erreur qui
atteint non la forme, mais le contenu. La logique générale résout donc en ses élé-
ments tout le travail formel de l'entendement et de la raison et présente ces éléments
comme principes de toute appréciation logique de notre connaissance. Cette partie
de la logique [...] est par là même la pierre de touche au moins négative de la vérité,
20 puisqu'il faut tout d'abord examiner et apprécier toute connaissance, quant à sa
forme, d'après ces règles, avant de l'éprouver quant à son contenu, pour établir si,
par rapport à l'objet, elle renferme une vérité positive. Mais, comme la simple forme
de la connaissance, aussi d'accord qu'elle puisse être avec les lois logiques, est bien
loin par là de suffire à établir la vérité matérielle (objective) de la connaissance,
25 personne ne peut se risquer à l'aide de la logique seule, à juger des objets et à en
affirmer la moindre des choses, sans en avoir entrepris auparavant une étude appro-
fondie, en dehors do la logique.
Comment établir une connaissance vrai sur le monde ?
Pour établir la vérité d’une connaissance, les règles générales de la logique sont nécessaires : le principe de non contradiction, le principe de causalité.
De la ligne 1 à 7:
→ Notre entendement suit les règles de la logique, déjà la forme de ses raisonnement.
L’entendement (de Kant): C’est la faculté de créer des concepts, de faire la synthèse des différentes données de l’intuition sensible en les ordonnant à l’aide des catégories (causalité, espace, temps)
De la ligne 7 à 11:
→ Les règles de la logique sont nécessaires mais pas suffisantes, car la vérité formelle se distingue de la vérité matérielle, c’est-à-dire une vérité concernant la contenu.
Aristote est l’inventeur du syllogisme, constitué de 2 prémisses validées comme vraies et d’une conclusion déduite qui sera donc vraie :
Exemple :
De la ligne 11 à 16:
→ Vérité négative : nulle pensée ne peut être vraie, si elle ne respecte pas la logique.
De la ligne 16 à 22:
→ L’entendement suit les mêmes catégories (causalité, non-contradiction) que la logique.
→ Notre connaissance du réel s’appuie sur cette logique.<font style="color:#00FF00;"Mais</font>, cette fidélité rigoureuse à la logique n’est pas suffisante pour dire quelque chose du réel qui soitvraie.
De la ligne 22 à 27:
→ Nécessité d’étudier l’objet / la vérité pour lui-même, pour en posséder une connaissance vrai.
Il existe 4 domaines de vérité :
La vérité liée au langage:le discours tenu sur quelque chose doit être en adéquation (en accord) avec ce quelque chose.
Exemple: La tour Eiffel est à Paris.
=>Elle repose sur les faits.
La vérité mathématique: elle repose sur des démonstrations logiques.
La vérité des sciences expérimentales :
- Elle repose sur un protocole: hypothèse/ expérimentation/ validation ou invalidation de la théorie.
- Elle repose sur l’expérimentation.
La vérité judiciaire : elle repose sur des preuves afin de déterminer l’innocence ou la culpabilité d’un prévenu.
3 Critères pour définir la qualité d’une théorie scientifique :
Elle doit être la plus simple possible
Elle doit pouvoir expliquer le plus de phénomènes possibles
Elle doit prévoir les phénomènes.
Thomas d’AQUIN (¡il est catholique!), Sommes théologiques, XIIIe siècle (p. 522.)
La vérité qualifie-t-elle un état de choses ou le jugement que nous portons sur cet état de choses ? N’est-elle pas une qualité de la pensée plutôt que des choses ? Ne désigne-t-elle pas la pensée qui dit qu’une chose blanche est blanche, et l’erreur la pensée qui dit qu’une chose est blanche lorsqu’elle ne l’est pas ? Dans ce texte, Thomas d’AQUIN soutient que la vérité n’est pas une chose mais une relation, celle de l’adéquation de l’idée et de la chose.
On l'a déjà dit, le vrai, selon sa raison formelle première, est dans l'intelligence.
Puisque toute chose est vraie selon qu'elle possède la forme qui est propre à sa
nature, il est nécessaire que l'intellect en acte de connaître soit vrai en tant qu'il y
a en lui la similitude de la chose connue, similitude qui est sa forme propre en tant
5 qu'il est connaissant. Et c'est pour cela que l'on définit la vérité par la conformité
de l'intellect et de la chose. Il en résulte que connaître une telle conformité, c'est
connaître la vérité.
La ligne 1:
→ La vérité est contenue dans notre intelligence parce que nous possédons unefaculté logique (que Dieu nous a donnée).
De la ligne 2 à 5:
→ L’objet étudié est connaissable dans la mesure où il est en lien avec celuicherche à la connaître. Ce lien est fondé sur la création de cet objet et de celui qui cherche à connaître par Dieu.
Ligne 3 : « L’intellect en acte » => référence à ARISTOTE └> actif / agissant ≠ en puissance = virtuel, en devenir Ex : La chenille est un papillon en puissance.
De la ligne 5 à 7:
→ Conformité de ce qui est saisi par l’intellect avec l’objet étudié.
René DESCARTES, Règles pour la direction de l’existence, XVIIe siècle
Le privilège des mathématiques comme modèle de vérité n’a rien d’arbitraire, selon Descartes.
Il vient du fait que leur objet est simple et abstrait, conçu hors de toute expérience.
De là se conclut avec évidence la raison pour laquelle l’arithmétique et la géométrie sont
bien plus certaines que toutes les autres disciplines : c’est qu’elles seules traient d’un
objet si pur et si simple qu’elles n’admettent absolument rien que l’expérience ait rendu
incertain, et qu’elles consistent tout entières à tirer des conséquences par voie de déduction
5 rationnelle. Elles sont ainsi les plus faciles et les plus claires de toutes, et elles ont un objet
tel que celui que nous exigeons, puisqu’en elles, sauf inadvertance, il semble que l’homme
puisse difficilement se trompe. Il ne faut pas s’étonner pourtant si beaucoup d’esprits se
portent spontanément plutôt vers d’autres disciplines ou vers la philosophie : cela vient,
en effet, de ce que chacun se donne plus hardiment licence de jouer les devins1 dans un
10 domaine obscure que dans un domaine évident, et qu’il est bien plus facile d’entrevoir
quelque chose à propos d’une question quelconque, que de parvenir sur une seule, si facile
soit-elle, à la vérité elle-même.
De tout cela il faut maintenant conclure, non point certes qu’on ne doivent étudier que
l’arithmétique et la géométrie, mais seulement que ceux qui cherchent le droit chemin de
15 la vérité ne doivent s’occuper d’aucun objet à propos duquel ils ne puissent obtenir une
certitude égale aux démonstrations de l’arithmétique et de la géométrie.
1- Qui prétend connaître ce qui est caché ou prédire l’avenir.
Repères Certain : ne laisse subsister aucun doute, par opposition à ce qui n’est que probable.
Exemple: Descartes avec son cogito montre qu’il est certain que « Je suis, j’existe » par le fait que je pense rend impossible le fait que je ne sois pas.
Idée générale : Apologie des mathématiques comme moyen sûr d’atteindre la vérité.Descartes voulait mettre le monde sous forme mathématique : Mathesis Universalis
De la ligne 1 à 5:
Évidence (du latin "videre") : voir avec l’esprit
Certaine : qui ne laisse pas de place au doute.
Pur : Il n’y a pas l’implication ou l’intervention des sens, les mathématiques sont intellectuelles, abstraites
Simple : On peut décomposer les mathématiques jusqu’au plus petit élément.
→ Les mathématiques s’appuient sur des démonstrations rationnelles.
De la ligne 5 à 7:
Claires : évidentes, par l’intuition de l’esprit
L’Erreur (du latin error/ errare) : errer, se tromper du chemin, perdre
→ Les mathématiques sont un outil, un moyen, d’éviter l’erreur.
De la ligne 5 à 12:
De la ligne 13 à 16:
→ L’arithmétique et la géométrie sont le plus sûr moyen d’accéder à la vérité.
Karl POPPER, Conjectures et réfutations, XXe siècle
Une théorie serait-elle scientifique parce qu’elle est infaillible et irréfutable ? C’est exactement l’inverse selon Karl Popper, qui entend opposer à la science ce qui relève de la métaphysique, de la religion ou de l’idéologie.
Une théorie qui n’est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue
de caractère scientifique. Pour les théories, l’irréfutable n’est pas (comme on l’imagine
souvent) vertu mais défaut.
Toute mise à l’épreuve véritable d’une théorie par des tests constitue une tentative pour
5 en démontrer la fausseté ou pour la réfuter. Pouvoir être testée c’est pouvoir être réfutée ;
mais cette propriété comporte des degrés: certaines théories se prêtent plu aux tests, s’y
exposent davantage à la réfutation que les autres, elles prennent, en quelque sorte, de plus
grandes risques.
Les théories ou « systèmes » doivent pouvoir être soumis à « tests expérimentaux » pour mériter d’être considérés comme authentiquement scientifiques.
Un système n’est empirique1 ou scientifique que s’il est susceptible d’être soumis à des tests
expérimentaux. Ces considérations suggèrent que c’est la falsifiabilité et non vérifiabilité
d’un système qu’il faut prendre comme critère de démonstration. En d’autres termes, je
n’exigerai pas d’un système scientifique qu’il puisse être choisi une fois pour toutes, dans
5 une acceptation positive2 mais j’exigerai que sa forme logique soit telle qu’il puisse être
distingué, au moyen de tests empiriques, dans une acceptation négative : un système faisant
partie de la science empirique doit pouvoir être réfuté par l’expérience. (Ainsi l’énoncé
« il pleuvra ou il ne pleuvra pas ici demain » ne sert-t-il pas considéré comme empirique
pour simple raison qu’il ne peut être réfuté, alors que l’énoncé « il pleuvra ici demain »
10 sera considéré comme empirique).
1-Une connaissance empirique est fondée sur l’expérience et non sur des idées innées, sur l’intuition ou sur la pure raison.
2- Pour Popper, un système scientifique n’a pas positivement une propriété qui permettrait de le ranger définitivement du côté de la vérité : il n’est vrai que « négativement » autrement dit aussi longtemps qu’il n’a pas été réfuté par l’expérience – ce qui suppose qu’il puisse l’être.
→ Une théorie est scientifique si et seulement si elle est réfutable.
└> La falsifiabilité
La réfutabilité Elle doit être testée et éprouvée.
2 Théories qui ne sont pas scientifiques pour Karl POPPER :
Théorie de l’existence de l’inconscient (S. FREUD, 1912)
Théorie de la lutte des classes (Karl MARX, 1948)
Albert EINSTEIN et Léopold INFELD, L’évolution des idées en physique, XXe siècle
On pourrait croire que, parmi les sciences, la physique soit celle qui soit la plus proche d’une description fidèle de la
réalité naturelle. Pourtant la vérité n’est pour elle qu’un horizon, considèrent Albert Einstein et Léopold Infeld.
C’est en réalité tout notre système de conjectures1 qui
doit être prouvé ou réfuté par l’expérience. Aucune de
ces suppositions ne peut être isolée pour être examinée
séparément. Dans le cas des planètes qui se meuvent
5 autour du soleil, on trouve que le système de la mécanique
est remarquablement opérant. Nous pouvons
néanmoins imaginer un autre système, basé sur des
suppositions différentes, qui soit opérant au même degré.
Les concepts physiques sont des créations libres de l’esprit humain et ne sont pas, comme
10 on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur. Dans l’effort que
nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l’homme qui
essaie de comprendre le mécanisme d’une montre fermée. Il voit le cadran et les aiguilles
en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n’a aucun moyen d’ouvrir le boîtier. S’il est ingénieux
il pourra se former quelque image du mécanisme, qu’il rendra responsable de tout ce
15 qu’il observe, mais il ne sera jamais sûr que son image soit la seule capable d’expliquer ses
observations. Il ne sera jamais en état de comparer son image avec le mécanisme réel, et il
ne peut même pas se représenter la possibilité ou la signification d’une telle comparaison.
Mais le chercheur croit certainement qu’à mesure que ses connaissances s’accroîtront,
son image de la réalité deviendra de plus en plus simple et expliquera des domaines de
20 plus en plus étendus de ses impressions sensibles. Il pourra aussi croire à l’existence d’une
limite idéale de la connaissance que l’esprit humain peut atteindre. Il pourra appeler cette
limite idéale la vérité objective."
1- une conjecture est une hypothèse de travail qui n’a encore reçu ni confirmation ni infirmation. Elle donc provisoire et peut servir d’hypothèse de travail pour résoudre un problème ou mener un raisonnement. Repères ⟾Quand le texte évoque une limite idéale, il s’agit d’une limite indéterminée, qu’on n’atteindra peut-être jamais, par opposition à ce qui serait une limite réelle, affective et indépassable.
Exemple: On peut aussi opposer une beauté idéale, pure et absolue, sans aucun défaut mais qui n'existe qu'en idée, aux beautés réelles auxquelles on peut toujours reprocher telle ou telle imperfection.
Étymologie : physis (en grecque: φύσις) → Physique
└> la nature
De la ligne 1 à 8:
→ La science est « système de conjectures »
Système : ensemble dont les éléments coordonnées par une loi, une théorie
Conjecture : hypothèse
Ex : Le système solaire est basé sur le système de la mécanique.
De la ligne 9 à 12:
→ La science est une création humaine, de l’intellect. Le but est de tenter d’expliquer les phénomènes.
=> Métaphore de la montre fermée.
De la ligne 12 à 17:
« voit » / « entend » ⟾À l’aide de nos sens, nous percevons les phénomènes.
→ « Boîtier fermé » renvoie à notre impossibilité de comprendre comment ces phénomènes ont lieu.
De la ligne 18 à 22: Repère : Savoir ≠ Croire → CROYANCES :
Le chercheur pense que plus il possède de connaissance sur le monde, plus la réalité deviendra simple, plus elle sera saisissable.
Il saura expliquer de plus en plus de phénomènes.
¡ FAUX ! Car, plus on connaît d’éléments, plus on prend connaissance de notre ignorance, de tout ce que l’on a encore à comprendre.
→ La vérité se pose comme un horizon à atteindre, une limite idéale.
vérité objective » : c’est un pléonasme, car la vérité, par définition, est objective, voire universelle.
- La science est le produit d’une communauté scientifique constituée d’humains: donc les théories sont objectives :
Repère : objectif ≠ subjectif - Les phénomènes sont observés à l’aide des sens : donc perception subjective.
René DESCARTES, Méditations métaphysiques, XVIIIe siècle
Dans un contexte historique où le système géocentrique est remis en cause par Copernic puis par Galilée,il est urgent, pour Descartes, de se demander s'il peut trouver une première certitude qui lui servira de fondement. Après avoir entrepris de douter de tout, dans cette deuxième méditation, il émet l'hypothèse d'un malin génie qui le tromperait constamment.
Je suppose donc que toutes les choses que je vois sont fausses ; je me persuade que
rien n'a jamais été de tout ce que ma mémoire remplie de mensonges me représente ;
je pense n'avoir aucun sens ; je crois que le corps, la figure, l'étendue, le mouvement et
le lieu ne sont que des fictions de mon esprit. Qu'est-ce donc qui pourra être estimé
5 véritable ? Peut-être rien autre chose, sinon qu'il n'y a rien au monde de certain.
Mais que sais-je s'il n'y a point quelque autre chose différente de celles que je
viens de juger incertaines, de laquelle on ne puisse avoir le moindre doute ? N'y
a-t-il point quelque Dieu, ou quelque autre puissance, qui me met en l'esprit ces
pensées ? Cela n'est pas nécessaire ; car peut-être que je suis capable de les produire
10 de moi-même. Moi donc à tout le moins ne suis-je pas quelque chose ? Mais j'ai
déjà nié que j'eusse aucun sens ni aucun corps. J'hésite néanmoins, car que s'ensuit-il
de là ? Suis-je tellement dépendant du corps et des sens, que je ne puisse
être sans eux ? Mais je me suis persuadé qu'il n'y avait rien du tout dans le monde,
qu'il n'y avait aucun ciel, aucune terre, aucun esprit, ni aucun corps ; ne me suis-je
15 donc pas aussi persuadé que je n'étais point ? Non certes, j'étais sans doute, si je
me suis persuadé, ou seulement si j'ai pensé quelque chose. Mais il y a un je ne
sais quel trompeur très puissant et très rusé, qui emploie toute son industrie à
me tromper toujours. Il n'y a donc point de doute que je suis, s'il me trompe ;
et qu'il me trompe tant qu'il voudra il ne saurait jamais faire que je ne sois rien,
20 tant que je penserai être quelque chose. De sorte qu'après y avoir bien pensé, et
avoir soigneusement examiné toutes choses, enfin il faut conclure, et tenir pour
constant que cette proposition : Je suis, j'existe, est nécessairement vraie, toutes
les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit.
Mais je ne connais pas encore assez clairement ce que je suis, moi qui suis
25 certain que je suis ; de sorte que désormais il faut que je prenne soigneusement
garde de ne prendre pas imprudemment quelque autre chose pour moi, et ainsi de
ne me point méprendre dans cette connaissance, que je soutiens être plus certaine
et plus évidente que toutes celles que j'ai eues auparavant.
→ Il cherche une vérité indubitable (=dont on ne peut douter) sur laquelle il pourra faire sa philosophie.
Pour trouver cette vérité sûre et certaine, il va remettre en question :
Les connaissances qui viennent des sens, parce que les sens nous trompent : les illusions d’optique (tour perçue comme petite car éloignée, bâton dans l’eau, membres fantômes)
Les connaissances déduites des mathématiques, parce que nous pouvons nous tromper dans nos raisonnements (paralogisme)
Tout les autres connaissances :
- un malin génie qui lui a mis des idées fausses dans la tête, donc qui le trompe
- on ne distingue pas les rêves de l’éveil
Faire table rase (tabula rasa)
Si, je remets en question mes connaissances, c’est que je doute de celles-ci ; ci je doute, c’est donc que quelque chose pense en moi, si quelque chose pense en moi, c’est donc j’existe.
Cogito ergo sum Je pense donc je suis (j’existe)
=> La vérité 1re à laquelle il aboutit.
=> Le doute cartésien est radical, hyperbolique, méthodique (par étapes)
└> "Chemin" en latin
Mais, il aboutit à une vérité, donc il est fécond.
Ce doute est fécond car il aboutit à cette vérité, au contraire du doute des Sceptiques, qui demeure stérile. En effet, ce courant a été fondé vers 300 ans avant notre ère, par PYRRHON D’ÉLIS : pour les Sceptiques, il n’y a pas de vérité accessible aux Hommes, ou bien on peut défendre tout et son contraire.
René DESCARTES, Méditations métaphysiques, XVIIIe siècle
Après s'être défini comme « une chose qui pense », Descartes se demande ce qu'il peut connaître du monde. Malgré les changements d'état d'un morceau de cire chauffé, et donc son changement d'apparence sensorielle, nous ne doutons pas qu'il s'agisse bel et bien du même morceau de cire. C'est notre jugement qui s'impose à la perception du morceau de cire : nous ne recevons pas passivement des informations des sens, nous jugeons la réalité perçue.
Prenons pour exemple ce morceau de cire : il vient tout
fraîchement d'être tiré de la ruche, il n'a pas encore perdu
la douceur du miel qu'il contenait, il retient encore quelque
chose de l'odeur des fleurs dont il a été recueilli ; sa couleur,
5 sa figure, sa grandeur sont apparentes ; il est dur, il est
froid, il est maniable, et si vous frappez dessus, il rendra
quelque son. Enfin toutes les choses qui peuvent distinctement
faire connaître un corps se rencontrent en celui-ci.
Mais voici que pendant que je parle, on l'approche du
10 feu : ce qui y restait de saveur s'exhale, l'odeur s'évapore, sa
couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente,
il devient liquide, il s'échauffe, à peine peut-on le manier,
et quoique l'on frappe dessus, il ne rendra plus aucun son.
La même cire demeure-t-elle encore après ce changement ? Il faut avouer qu'elle
15 demeure ; personne n'en doute, personne ne juge autrement. Qu'est-ce donc que
l'on connaissait en ce morceau de cire avec tant de distinction ? Certes ce ne peut
être rien de tout ce que j'y ai remarqué par l'entremise des sens, puisque toutes les
choses qui tombaient sous le goût, sous l'odorat, sous la vue, sous l'attouchement
et sous l'ouïe, se trouvent changées, et que cependant la même cire demeure. […]
20 Je dis ce morceau de cire en particulier : car pour la cire en général, il est encore plus
évident. Mais quel est ce morceau de cire qui ne peut être compris que par l'entendement
ou par l'esprit ? Certes c'est le même que je vois, que je touche, que j'imagine,
et enfin, c'est le même que j'ai toujours cru que c'était au commencement.
Or ce qui est ici grandement à remarquer, c'est que sa perception n'est point
25 une vision, ni un attouchement, ni une imagination, et ne l'a jamais été quoiqu'il
le semblât ainsi auparavant, mais seulement une inspection de l'esprit, laquelle
peut être imparfaite et confuse, comme elle était auparavant, ou bien claire et distincte,
comme elle est à présent, selon que mon attention se porte plus ou moins
aux choses qui sont en elle, et dont elle est composée.
Repère: Croire / Savoir
« Le morceau de cire »
De la ligne 1 à 13:
→ Les changements de la substance « cire » perçus par les sens.
=> connaissance par le sens
De la ligne 14 à 19:
→ Qu’est-ce qui demeure de la substance sous ces différents changement ?
└> Quelle connaissance de la cire je peux fonder ?
De la ligne 20 à 23:
→ C’est l’entendement qui permet d’obtenir une connaissance stable et certaine de cette substance changeante.
Mon entendement construit un jugement à partir des perceptions et des données sensibles.
Entendement (de Descartes) : La faculté de comprendre, d’apercevoir, de saisir l’intelligible (ce qui est saisi par l’intellect), par opposition aux sensations.
De la ligne 24 à 29:
Distincte : comparaison, mise en ordre des perception par l’entendement.
PLATON, La République, Livre VII, IVe siècle avant J.-C.
Au livre VII de la République, SOCRATE discute avec Glaucon et lui demande d’imaginer l’intérieur d’une caverne, où des prisonniers seraient enfermés. Il s’agit d’une allégorie : les différents éléments qui constituent la description de la caverne représentent des idées ou des concepts. L’allégorie de la caverne ne doit pas être lue qu’au premier degré - celui de la critique de l’illusion que constituent nos opinions : elle demande une interprétation. Elle pourrait notamment représenter l’état d’enfermement de notre âme dans le corps et la différence entre le sensible et l’intelligible. Dans cet extrait, nous sommes invité à distinguer l’apparence (les choses telles que nous les percevons) de la vérité (la correspondance entre nos idées et les idées, qui sont intelligibles).
Maintenant représente toi de la façon que voici l’état de notre nature
relativement à l’instruction et à l’ignorance. Figure-toi des hommes dans une
demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée
ouverte à la lumière; ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le
5 cou enchaînés, de sorte qu’ils ne peuvent ni bouger ni voir ailleurs que devant eux,
la chaîne les empêchant de tourner la tête; la lumière leur vient d’un feu allumé
sur une hauteur, au loin derrière eux; entre le feu et les prisonniers passe une
route élevée : imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil
aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux et au dessus desquelles
10 ils font voir leurs merveilles.
Je vois cela, dit-il.
Figure toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets
de toute sorte, qui dépassent le mur, et des statuettes d'hommes et d'animaux, en
pierre en bois et en toute espèce de matière; naturellement parmi ces porteurs,
15 les uns parlent et les autres se taisent.
Voilà, s'écria-t-il, un étrange tableau et d'étranges prisonniers.
Ils nous ressemblent, répondis-je; et d'abord, penses-tu que dans une telle
situation ils aient jamais vu autre chose d'eux-mêmes et de leurs voisins que les
ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face?
20 Et comment? observa-t-il, s'ils sont forcés de rester la tête immobile durant
toute leur vie?
Et pour les objets qui défilent, n'en est-il pas de même?
Sans contredit.
Si donc ils pouvaient s'entretenir ensemble, ne penses-tu pas qu'ils prendraient
25 pour des objets réels les ombres qu'ils verraient?
Il y a nécessité.
Et si la paroi du fond de la prison avait un écho, chaque fois que l'un des
porteurs parlerait, croiraient-ils entendre autre chose que l'ombre qui passerait
devant eux?
30 Non, par Zeus, dit-il.
Assurément, repris-je, de tels hommes n'attribueront de réalité qu'aux ombres
des objets fabriqués.
Considère maintenant ce qui leur arrivera naturellement si on les délivre de
leurs chaînes et qu'on les guérisse de leur ignorance. Qu'on détache l'un de ces
35 prisonniers, qu'on le force à se dresser immédiatement, à tourner le cou, à marcher,
à lever les yeux vers la lumière; en faisant tous ces mouvements il souffrira,
et l'éblouissement l'empêchera de distinguer ces objets dont tout à l'heure il voyait
les ombres. Que crois-tu donc qu'il répondra si quelqu'un lui vient dire qu'il n'a
vu jusqu'alors que de vains fantômes, mais qu'à présent, plus près de la réalité
40 et tourné vers des objets plus réels, il voit plus juste? Si, enfin, en lui montrant
chacune des choses qui passent, on l'oblige, à force de questions, à dire ce que
c'est? Ne penses-tu pas qu'il sera embarrassé, et que les ombres qu'il voyait tout
à l'heure lui paraîtront plus vraies que les objets qu'on lui montre maintenant?
Beaucoup plus vraies, reconnut-il.
45 Et si on le force à regarder la lumière elle-même, ses yeux n'en seront-ils pas blessés?
N'en fuira-t-il pas la vue pour retourner aux choses qu'il peut regarder, et ne croira-t-il
pas que ces dernières sont réellement plus distinctes que celles qu'on lui montre?
Assurément.
Et si, repris-je, on l'arrache de sa caverne par force, qu'on lui fasse gravir la
50 montée rude et escarpée, et qu'on ne le lâche pas avant de l'avoir traîné jusqu'à la
lumière du soleil, ne souffrira-t-il pas vivement, et ne se plaindra-t-il pas de ces violences?
Et lorsqu'il sera parvenu à la lumière, pourra-t-il, les yeux tout éblouis par
son éclat, distinguer une seule des choses que maintenant nous appelons vraies?
Il ne le pourra pas, répondit-il; du moins dès l'abord.
55 Il aura, je pense, besoin d'habitude pour voir les objets de la région supérieure.
D'abord ce seront les ombres qu'il distinguera le plus facilement, puis les images
des hommes et des autres objets qui se reflètent dans les eaux, ensuite les objets
eux-mêmes. Après cela, il pourra, affrontant la clarté des astres et de la lune,
contempler plus facilement pendant la nuit les corps célestes et le ciel lui-même,
60 que pendant le jour le soleil et sa lumière.
Sans doute.
Allégorie de la caverne :
Platon utilise une image et une histoire pour exprimer l’état dans lequel se situe Homme.
1. Les prisonniers représentent notre condition dans un état d ’ illusion Illusion : idée que l’on a fait sur quelque chose ou quelqu’un, qui est fausse et souvent embellie.
Ce que l’on vit et perçoit depuis l’enfance, nous croyons que c’est la vérité (pour Platon : Vérité = réalité) : préjugés, opinions qui nous sont transmis par la famille, l’éducation, les médias.
Préjugés : posséder un jugement sans savoir, sans connaître ce dont on parle.
Opinion (du grec « δόξα », doxa : opinion commune) : Ce que tout le monde pense sans y avoir réfléchi, sans savoir l’argumenter.
2. La sortie d’un prisonnier de la caverne : Ce prisonnier va passer par des différents étapes qui symbolisent celles de l’accès à la connaissance :
-Tout ce en quoi il croyait se révèle être faux.
-« montée rude et escarpée » = le chemin vers la vérité est difficile et douloureux
- « souffrira »
-le passage de l’ombre à la lumière est un éblouissement qui fait mal aux yeux.
3. Le retour du prisonnier / le philosophe - Rôle du philosophe dans la société : il retourne dans la caverne pour guider les prisonniers vers la réalité et/ou la réalité.
- Le philosophe a perdu l’habitude de vivre dans l’illusion, il est inadapté, décalé.
- Les prisonniers vont le rejeter, se moquer de lui et vouloir le tuer (hommage à SOCRATE condamné à la mort).
Emmanuel KANT, D’un prétendu droit de mentir par l’humanité, XVIIIe siècle
Une célèbre polémique a opposé Constant à Kant vers 1797 concernant la question du droit de mentir. Aucun des deux ne défend le principe d’un mensonge par égoïsme et tous les deux s’accordent à considérer que dire la vérité est un devoir. Mais Constant estime indispensable de regarder les circonstances du mensonge et les conséquences qu’il entraînerait avent deb condamner le menteur. Intransigeant, Kant fait de la véracité un devoir absolu et considère qu’un mensonge n’est pas seulement une injustice contre quelqu’un en particulier mais à l’égard de l’humanité en général.
Être véridique dans les propos qu’on ne peut éluder, c’est là le devoir formel de l’homme
envers chaque homme, quelle que soit la gravité du préjudice qui peut en résulter pour
soi-même ou pour autrui. Et même si, en falsifiant mon propos, je ne cause pas de tort à
celui qui m’y contraint injustement, il reste qu’une telle falsification , qu’on peut nommer
5 également pour cette raison un mensonge (même si ce n’est pas au sens des juristes1),
constitue, au regard de l’élément le plus essentiel du devoir en général, un tort : car je fais
en sorte, autant qu’il est en mon pouvoir, que des propos (des déclarations) en général ne
trouvent aucun crédit et, par suite, que tous les droits fondés sur des contrats deviennent
caducs et perdent toute leur force ; ce qui est un tort causé à l’humanité en général.
10 Donc, si on définit le mensonge que comme la déclaration (faite à autrui) qu’on sait
n’être pas vraie, il n’est besoin d’y ajouter qu’il doive nuire à autrui, comme les juristes
l’exigent de leur définition (mendacium est falsiloquium alterius3). Car le
mensonge nuit toujours à autrui: même s’il ne nuit pas à un autre homme, il nuit à l’humanité
en général et rend vaine la source du droit. […] Celui qui ment, quelle que soit la
15 bonté des intentions qui animaient son mensonge, doit donc répondre des conséquences
qui en résultent, même devant un tribunal civil, et les réparer, quelque imprévues qu’elles
puissent être. La véracité est un devoir, on doit le considérer comme le fondement de tous
les devoirs qui doivent se fonder sur un contrat, et sa loi chancelle ; et devient inutile si on
lui concède la moindre exception.
20 Il y a donc un commandement sacré de la raison, qui commande inconditionnellement
et qu’aucune convenance3 ne doit restreindre : être véridique (honnête) dans toutes ses
déclarations.
1-Comme l’explique un peu plus loin Kant, dire le faux ne suffit pas aux yeux des juristes, il faut encore qu’il y ait préjudice. En effet, il est nécessaire qu’un discours faux nuise à quelqu’un pour qu’il puisse être considéré comme un mensonge d’un stricte point e vue juridique.
2- « Un mensonge est un discours faux qui nuit à autrui. »
3- Compromis.
Ne pas mentir est un devoir, car si l’un d’entre nous ment, il engage l’humanité entière. Nos relations inter-humaines sont basées sur la confiance et fonctionnelles grâce à celle-ci. SI chacun d’entre nous ment, cette confiance disparaît (contrat).
Devoir : loi morale = obligation
Cette loi morale ne souffre aucune exception, sinon elle devient, inutile donc caduque.
Une action est morale si est seulement si elle est universalisable.
Ligne 20 : « commandement sacré de la raison »
« raison » : nous sommes des êtres rationnels donc nous avons grâce à la raison la capacité de retrouver cette loi morale qui est universelle.
→ Quelles que soient les conséquences pour autrui, la loi morale exige de dire la vérité.
Benjamin CONSTANT, Dès réactions politiques, XVIIIe siècle
Il est hors de doute que les principes abstraits de la morale, s’ils étaient séparés de leurs
principes intermédiaires, produiraient autant de désordre dans les relations sociales des
hommes que les principes abstraits de la politique, séparés de leurs principes intermédiaires,
doivent en produire dans leurs relations civiles. Le principe moral que dire la vérité est un
5 devoir, s’il était pris de manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible. Nous
en avons la preuve dans les conséquences très directes qu’a tirées de ce principe un
philosophe allemand qui va jusqu’à prétendre qu’envers des assassins qui vous demanderaient
si votre ami qu’ils poursuivent n’est pas réfugié dans votre maison, le mensonge
serait un crime [...].
10 Je prends pour exemple le principe moral que je viens de citer, que dire la vérité est un
devoir. Ce principe isolé est inapplicable. Il détruirait la société. Mais, si vous le rejetez, la
société n’en sera pas moins détruite, car toutes les bases de la morale seront renversées. Il
faut donc chercher le moyen d’application, et pour cet effet, il faut, comme nous venons
de le dire, définir le principe. Dire la vérité est un devoir. Qu’est-ce qu’un devoir? L’idée
15 de devoir est inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être, correspond
aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droits, il n’y a pas de devoirs. Dire la vérité n’est
donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité
qui nuit à autrui.
Voilà, ce me semble, le principe devenu applicable. En le définissant, nous avons découvert
20 le lien qui l’unissait à un autre principe, et la réunion de ces deux principes nous a fourni
la solution de la difficulté qui nous arrêtait.
Repères Abstrait : signifie souvent séparé de l’expérience sensible et concrète
Exemple: Une théorie abstraite est éloignée de la réalité vécue.
Distinction entre la théorie et la pratique.
La loi morale (kantienne)<┘ └> Les cas particuliers
=> générale
Ligne 7 : « Philosophe allemand » → référence à Emmanuel KANT - La loi morale qui impose de ne jamais mentir n’est pas applicable dans la pratique.
- La loi morale de ne pas mentir exige aussi que la vérité ne nuise pas à autrui.
=> La solution de Benjamin CONSTANT.
Thomas KUHN, La structure de révolutions scientifiques, XXe siècle
Les crises sont une condition préalable et nécessaire de l’apparition de nouvelles théories.
Comment les scientifiques réagissent-ils à la prise de conscience d’une anomalie dans la cohérence
entre la théorie et la nature ? Quand une anomalie semble être plus qu’une énigme de la science
normale, la transition vers la crise, le passage à la science extraordinaire ont commencé.
5 Toutes les crises se terminent de l’une des trois manières suivantes. Quelquefois, la science
normale se révèle in extremis capable de résoudre le problème à l’origine de la crise, malgré le peu
d’espoir conservé par ceux qui voyaient là la fin du paradigme existant. Dans d’autres cas, le problème
résiste, même si on l’aborde d’un point de vue en apparence radicalement nouveau. Les scientifiques
peuvent alors conclure qu’aucune solution ne se présentera dans l’état actuel de leur domaine de
10 recherche. Le problème est étiqueté et mis de côté pour une génération future, disposant d’outils plus
développés. Ou bien, finalement, et c’est le cas qui nous concerne le plus directement ici, une crise
peut se terminer avec l’apparition d’un nouveau candidat au titre de paradigme et une bataille s’ensuit
pour son adoption.
Le passage d’un paradigme en état de crise à un nouveau paradigme d’où puisse naître une
15 nouvelle tradition de science normale est loin d’être un processus cumulatif, réalisable à partir de
variantes ou d’extensions de l’ancien paradigme. C’est plutôt une reconstruction de tout un secteur sur
de nouveaux fondements. Les spécialistes ont une tout autre manière de considérer leur domaine, ses
méthodes et ses buts.[C’est comme un] changement de forme visuelle : le dessin qui était d’abord vu
comme un oiseau est maintenant vu comme une antilope ou vice versa.Le passage au nouveau
20 paradigme est une révolution scientifique.
Paradigme = modèle
Lorsqu’une théorie se révèle défaillante, c’est-à-dire qu’elle n’explique pas les phénomènes observés, trois solutions sont envisagées :
Les scientifiques résolvent le problème à l’intérieur du modèle / paradigme déjà existant.
Pas de solution. → On laisse le problème de côté pour la génération future.
Changement de paradigme : KEPLER → NEWTON → EINSTEIN
=> Une révolution scientifique
PLATON, Théétète, IVe siècle avant J.-C. (p. 542.)
Platon fait parler Protagoras, un sophiste qui soutient, dans un livre perdu qui s’appelait probablement La Vérité, que « l’homme est la mesure de toutes choses ». Platon interprète cette thèse dans le sens où chaque individu serait le seul juge de ce qui est vrai pour lui. L’idée de vérité conserve-t-elle un sens si elle n’a aucun critère ni objectif ni même intersubjectif ? Faut-il sacrifier l’idéal d’une vérité universelle et éternelle au profit d’une multiplicité d’appréciations individuelles et changeantes ?
PROTAGORAS : Car j’affirme, moi, que la vérité est telle que je l’ai définie, que chacun
de nous est la mesure de ce qui est et de ce qui n’est pas, mais qu’un homme diffère
infiniment d’un autre précisément en ce que les choses sont et paraissent autres à
celui-ci, et autres à celui-là. Quant à la sagesse et à l’homme sage, je suis bien loin
5 d’en nier l’existence ; mais par homme sage j’entends précisément celui qui, changeant
la face des objets, les fait apparaître et être bons à celui à qui ils apparaissaient
et étaient mauvais. Et ne va pas de nouveau donner la chasse aux mots de cette
définition ; je vais m’expliquer plus clairement pour te faire saisir ma pensée.
Rappelle-toi, par exemple, ce qui a été dit précédemment, que les aliments paraissent
10 et sont amers au malade et qu’ils sont et paraissent le contraire à l’homme bien
portant. Ni l’un ni l’autre ne doit être représenté comme plus sage — cela n’est même
pas possible — et il ne faut pas non plus soutenir que le malade est ignorant, parce
qu’il est dans cette opinion, ni que l’homme bien portant est sage, parce qu’il est
dans l’opinion contraire. Ce qu’il faut, c’est faire passer le malade à un autre état,
15 meilleur que le sien. De même, en ce qui concerne l’éducation, il faut faire passer
les hommes d’un état à un état meilleur ; mais, tandis que le médecin le fait par des
remèdes, le sophiste le fait par des discours. Jamais en effet on n’est parvenu à faire
qu’un homme qui avait des opinions fausses ait ensuite des opinions vraies, puisqu'il
n’est pas possible d’avoir des opinions sur ce qui n’est pas, ni d’autres impressions
20 que celles que l’on éprouve, et celles-ci sont toujours vraies.
-Distinction entre l’opinion et la vérité :
Opinion (du grec « δόξα », doxa : opinion commune) : Ce que tout le monde pense sans y avoir réfléchi, sans savoir l’argumenter. → SUBJECTIVE Vérité (du grec « ἀληθής », Léthé) : Qui vise la généralité voire universalité → OBJECTIVE
-Distinction entre être et paraître :
L’être : les choses qui sont → le réel (la vérité)
Paraître : de l’ordre de la perception, de l’impression → SUBJECTIVE
De la ligne 1 à 4:
→ définition de la vérité selon PROTAGORAS : « L’Homme est la mesure de toutes choses ». C’est ainsi qu’il explique les divergences d’opinion.
→ Protagoras confond opinion et la vérité : dire ce que l’on pense et ce que l’on ressent, c’est toujours subjectif, et donc ce n’est pas la vérité.
De la ligne 4 à 8:
→ Le sage, c’est lui qui, à l’aide de la rhétorique, est capable de faire changer d’opinion autrui => persuasions
De la ligne 9 à 14:
→ Métaphore de la maladie.
└> Deux opinions contraires se valent, ce qui pose la question de savoir où se situe la vérité. Il s’agit de faire changer autrui d’opinion, ce qui suppose que l’un des deux a une « meilleure » opinion que l’autre.
De la ligne 15 à 20:
« Impression »(l.19) / « éprouve » (l.20) ⟾ Il confond toujours l’opinion avec la vérité
=> Pas d’ordre du rational.
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